< back

(English version below)


STUMBLING BLOCKS


Les hippopotames de faïence siliceuse, que l’on contemple dans les collections des musées du Caire, Londres et Paris, sont ornés de dessins représentant des algues, des fleurs de lotus et des oiseaux en vol. La peau, d’un bleu intense, de ces mammifères modelés, rappelle les eaux du Nil, la faune et la flore aquatique du milieu dans lequel ils évoluaient.

Les Stumbling Blocks d’Etienne Fouchet sont à l’image de ces figurines de l’Egypte du Moyen Empire. Leur « derme » de résine polyuréthane évoque l’environnement aqueux et spumeux dans lequel ils s’abîment. Les flots et l’écume qui meurent sur les brise-lames, que forment ces blocs, sont devenus la matière même qui les constitue, la texture qui les recouvre, transmuée, figée, pétrifiée. Ces « pierres d’achoppements », qui oscillent sur leur base bombée, comme érodée, déjà, par le ressac de la houle, sont de grands morceaux d’océan, dont les couleurs s’apparentent aux différents états de la mer, tour à tour bleue, verte et - telle que la qualifiaient les Anciens - violette, vineuse, ou versatile.
 

Observant ces sculptures, on entend le fracas du grain blanc sur les soubassements du môle émergé, le ruissellement des eaux sur les containers échoués, le clapotis obsédant des hauts-fonds, et, en écho: le grondement des abysses. On pense à d'épaisses dalles tumulaires, à d'étanches et creux sarcophages naviguant sur l’onde. Ils s’affirment denses et lourds, comme des blocs d’azurite, mais ils sont plus fragiles qu’ils n’y paraissent. Une frêle cloison diaphane révèle parfois le coffrage de bois qui les structure, le vide mystérieux qui les comble. Ces Stumbling Blocks suggèrent aussi, l’absence, la tragédie du naufrage et des cargaisons englouties.
 

En bon nageur Etienne Fouchet sait la course et l’effort contre les éléments. Les écueils dangereux, qu’il effleure en nageant, sont autant d’obstacles pour le sculpteur, qui les réinvente. Invoquant Jean Arp : ses « actes sont des actes de rêveurs, de nageurs énigmatiques ». Il adopte la ruse de ceux qui voulaient saisir Protée, le Vieillard de la mer, et tente de maîtriser les multiples métamorphoses des matériaux composites qu’il utilise, sans lâcher prise, espérant percer leurs secrets.
 

Il observe les ports et les docks, les zones côtières où entre terre et eau les limites sont indécises. Il fixe les flux et les reflux de l’océan, donnant à ce qui est mouvant et fluide, la réalité massive et solide des pierres vacillantes.


Fabrice Vannier, 2009


 





Exhibition view, galerie CROUS Beaux-Arts, Paris 2009.



STUMBLING BLOCKS


The hippopotamus of siliceous faience that one contemplates in the museums of Cairo, London or Paris, are decorated with drawings of seaweed, lotus flowers or flying birds. The deep blue skin of those molded mammals recalls the waters of the Nile and the aquatic fauna and flora of the environment they lived in.
 

The Stumbling blocks of Etienne Fouchet reflect those ancient Egyptians figurines. Their “skin” of polyurethane resin evokes the watery and foamy environment in which they have been damaged. The waves and the foam that end up on the bulwark formed by these blocks, have become the very matter they are made of, they have become the texture, transmuted, frozen, petrified, that has covered them. These stumbling blocks that sway on their cambered bases, as though eroded by the backwash of the water, are big lumps of ocean whose colours are similar to the different states of the sea, alternately blue, green and, like the Ancients called it, violet, winy or versatile.
 

While observing those sculptures, one hears the clatter of the white squall on the bedrock of an emerging breakwater, the oozing of water on the stranded containers, the haunting lapping of the ledge, and, like an echo, the growling of the abysses. One thinks of a thick grave stones, of hollow, watertight coffins, floating on the water. They are dense and heavy, like blocks of azurite, but are more fragile than they seem to be. A frail, almost transparent divider reveals, sometimes, the wooden form work that structures them, the mysterious void that fills them. These Stumbling blocks also suggest the absence, the tragedy of shipwrecking and of sunken cargos.
 

As a good swimmer, Etienne Fouchet knows about the race and the efforts against elements. The dangerous reefs, that he brushes while swimming, are also obstacles for the sculptor who reinvents them. Remembering Jean Arp: his “acts are acts of a dreamer, of enigmatic swimmers”. He adopts the trick of those who wanted to grab Proteus, the Old Man of the sea, and tries to master the many metamorphoses of the materials he uses, without letting go, hoping to uncover their secrets.
 

He observes the ports and the docks, the coastal zones where the frontiers between heaven and earth are quite indistinct. He sets the fluxes and refluxes of the ocean, giving to what is moving and fluid a sense of massiveness and solidity.


Fabrice Vannier, 2009



 

< back